facebook

.

.

"Le courage, c'est d'aller à l'idéal et de comprendre le réel" (Jean Jaures/discours à la jeunesse)

"Le courage, c'est d'aller à l'idéal et de comprendre le réel" (Jean Jaures/discours à la jeunesse)

samedi 15 mars 2014

Droit du travail (26) : dire « tu es trop conne » à une collègue n’est pas fautif

La société Y… a reproché à Monsieur Z… d’avoir tenu des propos injurieux et sexistes à l’encontre de Madame X…, responsable commerciale, propos constitutifs selon elle d’une faute grave. Elle souligne que la teneur des propos n’est pas contestée par Monsieur Z…, qu’ils sont injurieux et méprisants, à connotation sexiste, qu’ils ont été proférés en présence d’un autre salarié nouvellement embauché, ce qui est de nature à décrédibiliser la destinataire, et ajoute que Madame X… a démissionné de son poste à la suite de cet incident. La lettre de licenciement était ainsi motivée : « En guise de réponse, vous lui avez rétorqué que de toute manière "elle ne comprendrait jamais rien" tout en poursuivant immédiatement après "tu es trop conne". Ces propos injurieux et sexistes, tenus envers une collègue placée en position d’autorité devant un nouvel embauché, ont eu pour effet de lui porter un discrédit définitif, ainsi que de produire une image déplorable de la hiérarchie de l’entreprise ».

La Cour d’appel de Poitiers a jugé que la teneur des propos n’est pas contestée ; que leur caractère méprisant et insultant est indubitable, mais qu’ils sont en revanche dépourvus de tout caractère sexiste contrairement à ce que soutient l’employeur, aucune référence n’étant faite au sexe de l’intéressée alors que les mêmes paroles auraient pu être exactement prononcées, avec correction de l’accord de genre, à destination d’une personne de sexe masculin ; que, certes ces propos ont été tenus devant un salarié nouvellement embauché mais de la part d’un collègue placé sur un pied d’égalité de sorte que le jugement de valeur apporté n’engage que son auteur et ne porte aucun discrédit définitif à son destinataire contrairement à ce que soutient l’employeur ce qui aurait été le cas dans l’hypothèse où Monsieur Z… aurait été le supérieur hiérarchique de Madame X… ; que pas davantage et pour la même raison, ils ne produisent une image déplorable de la hiérarchie de l’entreprise et qu’en conséquence la gravité de la faute n’est pas établie.

Pour la Cour d’appel de Poitiers, le caractère isolé de l’incident survenu entre collègues de travail sur un pied d’égalité, et alors qu’il n’est pas établi, contrairement à ce qu’affirme l’employeur, que Madame X… ait quitté l’entreprise à la suite de cette altercation, ajouté à l’absence totale d’avertissement antérieur, justifient que le licenciement soit qualifié sans cause réelle et sérieuse en confirmation du jugement (Cour d’appel de Poitiers, 26 juin 2013 n° 11/04918).

Eric Rocheblave, avocat en droit du travail et de la sécurité sociale

Aucun commentaire: