Le 22 juin dernier, c’était le 250ème anniversaire de la naissance à Givet d’Etienne-Nicolas Méhul ! Pour cette occasion, on pouvait s’attendre à ce que la municipalité de cette ville organise une manifestation d’envergure afin de commémorer la mémoire de celui qui est toujours aujourd’hui son citoyen le plus illustre. Hélas, il n’en a rien été ! Pourtant, ce fils d’un modeste marchand de vin doté de talents musicaux exceptionnels l’aurait bien mérité. En effet, après avoir été découvert par un pauvre organiste aveugle de la ville dont on ne sait rien, il devint à l’âge de seulement dix ans organiste des Franciscains au couvent des Récollets. Puis, après avoir fréquenté occasionnellement l’école de musique du monastère de Laval-Dieu, près de Monthermé, il fut envoyé à Paris en 1779 grâce à la générosité d’un mécène qui l’avait entendu jouer, avec une simple lettre de recommandation. Là, il composa en 1783, à tout juste vingt ans, un livret de trois sonates qui lui permit en 1786 d’intégrer la partie musicale de la loge maçonnique l’Olympique de la Parfaite Estime.
Désormais en contact avec les membres influents du petit monde parisien de la musique, il fit la connaissance du librettiste François-Benoît Hoffman qui lui rédigea le texte de son premier opéra à être représenté : Euphrosine ou le tyran corrigé, dont la première donnée le 4 septembre 1790 fut un immense succès ! Dès lors, sa carrière était lancée et elle fut marquée par la composition d’une trentaine d’opéras, qui connurent des fortunes variées, de cinq symphonies et de quelques cantates. Parallèlement, il s’engagea en faveur de la Révolution pour laquelle il composa des pièces de propagande et des chants patriotiques. Cela lui valut en 1795 d’être nommé à l’Institut de France et d’obtenir un des cinq postes d’inspecteurs du Conservatoire de Paris. Sous le 1er Empire, il profita de ses bonnes relations avec Napoléon pour devenir un des premiers Français à recevoir en 1804 la Légion d’Honneur avant d’obtenir en 1807 le prestigieux Prix de Rome. Toujours actif, ami de nombreux artistes et écrivains, il alterna ensuite les compositions dramatiques et les œuvres plus légères jusqu’en 1811, date à laquelle il cessa toute activité musicale jusqu’à sa mort en 1817.
Un homme au destin hors du commun donc, qui est considéré comme le plus important compositeur d’opéras en France pendant la Révolution ! Mieux, un musicien dont le nom restera à tout jamais inscrit dans notre Histoire pour avoir mis en musique en 1794 un Hymne à la Liberté que Robespierre lui-même qualifia de « poésie grandiose et républicaine » avant de le faire distribuer aux armées où il devint comme une seconde Marseillaise : le célèbre Chant du départ, qui fut à la fois l’hymne officiel de 1er Empire et la chanson fétiche des révolutionnaires de 1848, dont on peut encore entendre chaque quart d’heure les premières notes en écoutant le carillon de l’hôtel de ville de Givet et de Charleville-Mézières. Avec de tels états de service, ce personnage aurait bien mérité de recevoir un hommage des plus appuyés en cette année si particulière. Apparemment, ce ne sera pas le cas à Givet ! Heureusement, il n’en sera pas de même aux Archives Départementales des Ardennes qui présenteront du 5 octobre au 27 décembre dans leurs locaux ainsi qu’à la Vitrine des Ardennes une exposition intitulée « Papiers à musique » qui fera la part belle à Etienne-Nicolas Méhul. En attendant, le PG/La Pointe se fait un plaisir de mettre à votre disposition une version exceptionnelle du Chant du départ, interprétée d’abord en russe puis en français par les Chœurs de l’Armée Rouge…
Laurent Bouvier
1 commentaire:
Un bien bel article !
J'ajouterai juste que, lors de son premier passage à Givet, Napoléon a voulu rencontrer les parents de Méhul ; il leur aurait dit à cette occasion : "Votre fils est un grand compositeur et un honnête homme. Je suis charmé de voir son vieux père. A mon retour à Paris, je m'empresserai de lui en donner des nouvelles".
On n'en demande pas tant au maire actuel, mais il pourrait organiser quelque chose pour l'anniversaire du héros local ! Il est vrai que Méhul est aussi une figure de gauche...
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