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"Le courage, c'est d'aller à l'idéal et de comprendre le réel" (Jean Jaures/discours à la jeunesse)

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samedi 9 novembre 2013

Droit du travail (9) : un employeur peut-il vérifier le contenu des sacs de ses salariés ?

Madame I., salariée du Printemps Haussmann, a fait l’objet d’un contrôle alors qu’elle sortait du magasin. Les agents chargés du contrôle lui ont demandé de les suivre dans le local de sécurité afin de vérifier le contenu de son sac. Lors de la vérification, les agents de sécurité ont trouvé trois articles de lingerie et un tube de crème solaire provenant du magasin. La salariée a été convoquée à un entretien préalable qui s’est tenu le 20 août 2009. Elle ne s’y est pas présentée. Un second entretien, fixé le 27 août 2009, a abouti au licenciement de la salariée pour faute grave. La lettre de licenciement indiquait :

« Au moment de votre départ, le personnel en charge de la surveillance a constaté que votre passage sous le portique déclenchait la sonnerie d’alarme. Vous avez alors été invitée à présenter le sac en votre possession. Il vous a été demandé d’accompagner le personnel de surveillance afin de poursuivre la vérification dans un local plus adapté que le couloir d’entrée/sortie du personnel (en application de l’article 2.3.7 de notre règlement intérieur). Vous avez ouvert votre sac à main et il a été constaté qu’un soutien-gorge, un shorty et une culotte, tous étiquetés, y était glissés dans une poche intérieure. De plus, un produit cosmétique neuf revêtu d’un film plastique a été trouvé dans votre trousse de maquillage. Après contrôle dans votre bureau, nous avons trouvé le packaging correspondant à ce produit dans votre poubelle. Lors de notre entretien, vous ne nous avez pas fourni une explication pour justifier la présence de ces produits dans vos effets personnels et le déclenchement de la sonnerie du portique de surveillance lors de votre passage. En conséquence nous vous notifions votre licenciement pour faute grave ».

Madame I. affirme que le contrôle dont elle a fait l’objet s’est déroulé dans des conditions particulièrement douteuses laissant soupçonner l’existence d’une machination ourdie contre elle et que c’est la raison pour laquelle elle a appelé elle-même la police afin qu’une enquête soit diligentée. En effet, selon elle, les agents chargés du contrôle lui ont demandé de passer devant le portique de contrôle à deux reprises sans que l’alarme se déclenche et que ce n’est qu’au troisième passage qu’un signal sonore s’est fait entendre ; que lorsque les policiers sont arrivés, ceux-ci ont fait passer la marchandise qui se trouvait dans son sac à plusieurs reprises devant le portique de sécurité sans déclencher le moindre signal. Elle affirme également que la fouille a été pratiquée sans qu’elle ait été informée de ses droits, à savoir celui de s’opposer à une telle mesure et celui d’exiger la présence d’un témoin. Elle tire également argument de ce que l’enquête de police a donné lieu à un classement sans suite de sorte que les faits qui lui sont reprochés ne seraient nullement établis.

L’employeur ne peut apporter aux libertés individuelles ou collectives des salariés que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché. Dans ce cas, il ne peut, sauf circonstances exceptionnelles, ouvrir les sacs appartenant aux salariés pour en vérifier le contenu qu’avec leur accord et à la condition de les avoir avertis de leur droit de s’y opposer et d’exiger la présence d’un témoin. Autrement dit, le seul consentement du salarié à l’ouverture de son sac est insuffisant. A défaut, la preuve ainsi irrégulièrement obtenue ne peut être utilisée à l’appui d’un licenciement. Dans le cas présent, il suffit de constater que l’employeur se borne à affirmer que Madame I. a été parfaitement informée de ses droits sans en préciser le contenu, notamment le droit qui était le sien de s’opposer à l’ouverture de son sac et le droit d’exiger la présence d’un témoin. De la même manière, les auditions des responsables de la sécurité du magasin réalisées dans le cadre de l’enquête de police permettent de constater qu’à aucun moment ceux-ci ne prétendent avoir procédé à cette information.

Dans ces conditions, même si l’employeur prétend que Madame I. aurait, d’elle-même, sorti les sous-vêtements de son sac alors qu’elle était en route avec les agents de sécurité vers le local de sécurité pour y procéder à la fouille du sac, ce que dément l’intéressée, les faits ayant fondé le licenciement ne reposaient que sur des éléments de preuve irrégulièrement obtenus, de sorte que celui-ci ne peut qu’être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cour d’appel de Paris, 11 septembre 2013 n°11/10392).

Éric Rocheblave, avocat spécialiste en droit du travail et de la Sécurité Sociale

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