Madame I., salariée du Printemps Haussmann, a fait l’objet
d’un contrôle alors qu’elle sortait du magasin. Les agents chargés du contrôle
lui ont demandé de les suivre dans le local de sécurité afin de vérifier le
contenu de son sac. Lors de la vérification, les agents de sécurité ont trouvé
trois articles de lingerie et un tube de crème solaire provenant du magasin. La
salariée a été convoquée à un entretien préalable qui s’est tenu le 20 août
2009. Elle ne s’y est pas présentée. Un second entretien, fixé le 27 août 2009, a abouti au
licenciement de la salariée pour faute grave. La lettre de licenciement
indiquait :
« Au moment de votre départ, le personnel en
charge de la surveillance a constaté que votre passage sous le portique
déclenchait la sonnerie d’alarme. Vous avez alors été invitée à présenter le
sac en votre possession. Il vous a été demandé d’accompagner le personnel de
surveillance afin de poursuivre la vérification dans un local plus adapté que
le couloir d’entrée/sortie du personnel (en application de l’article 2.3.7 de
notre règlement intérieur). Vous avez ouvert votre sac à main et il a été
constaté qu’un soutien-gorge, un shorty et une culotte, tous étiquetés, y était
glissés dans une poche intérieure. De plus, un produit cosmétique neuf revêtu
d’un film plastique a été trouvé dans votre trousse de maquillage. Après
contrôle dans votre bureau, nous avons trouvé le packaging correspondant à ce
produit dans votre poubelle. Lors de notre entretien, vous ne nous avez pas
fourni une explication pour justifier la présence de ces produits dans vos
effets personnels et le déclenchement de la sonnerie du portique de
surveillance lors de votre passage. En conséquence nous vous notifions votre licenciement
pour faute grave ».
Madame I. affirme que le contrôle dont elle a fait l’objet
s’est déroulé dans des conditions particulièrement douteuses laissant
soupçonner l’existence d’une machination ourdie contre elle et que c’est la
raison pour laquelle elle a appelé elle-même la police afin qu’une enquête soit
diligentée. En effet, selon elle, les agents chargés du contrôle lui ont
demandé de passer devant le portique de contrôle à deux reprises sans que l’alarme
se déclenche et que ce n’est qu’au troisième passage qu’un signal sonore s’est
fait entendre ; que lorsque les policiers sont arrivés, ceux-ci ont fait
passer la marchandise qui se trouvait dans son sac à plusieurs reprises devant
le portique de sécurité sans déclencher le moindre signal. Elle affirme
également que la fouille a été pratiquée sans qu’elle ait été informée de ses
droits, à savoir celui de s’opposer à une telle mesure et celui d’exiger la
présence d’un témoin. Elle tire également argument de ce que l’enquête de
police a donné lieu à un classement sans suite de sorte que les faits qui lui
sont reprochés ne seraient nullement établis.
L’employeur ne peut apporter aux libertés individuelles ou
collectives des salariés que des restrictions justifiées par la nature de la
tâche à accomplir et proportionnées au but recherché. Dans ce cas, il ne peut, sauf circonstances exceptionnelles,
ouvrir les sacs appartenant aux salariés pour en vérifier le contenu qu’avec
leur accord et à la condition de les avoir avertis de leur droit de s’y opposer
et d’exiger la présence d’un témoin. Autrement dit, le seul consentement du
salarié à l’ouverture de son sac est insuffisant. A défaut, la preuve ainsi
irrégulièrement obtenue ne peut être utilisée à l’appui d’un licenciement. Dans
le cas présent, il suffit de constater que l’employeur se borne à affirmer que
Madame I. a été parfaitement informée de ses droits sans en préciser le
contenu, notamment le droit qui était le sien de s’opposer à l’ouverture de son
sac et le droit d’exiger la présence d’un témoin. De la même manière, les
auditions des responsables de la sécurité du magasin réalisées dans le cadre de
l’enquête de police permettent de constater qu’à aucun moment ceux-ci ne
prétendent avoir procédé à cette information.
Dans ces conditions, même si l’employeur prétend que Madame
I. aurait, d’elle-même, sorti les sous-vêtements de son sac alors qu’elle était
en route avec les agents de sécurité vers le local de sécurité pour y procéder
à la fouille du sac, ce que dément l’intéressée, les faits ayant fondé le
licenciement ne reposaient que sur des éléments de preuve irrégulièrement
obtenus, de sorte que celui-ci ne peut qu’être considéré comme dépourvu de
cause réelle et sérieuse (Cour d’appel de Paris, 11 septembre 2013 n°11/10392).
Éric Rocheblave, avocat spécialiste en droit du travail et de la
Sécurité Sociale
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