Monsieur X. a été embauché le 6 août 2001 par la société Y…
en qualité de chauffeur, au coefficient 208 de la convention collective
nationale des activités du déchet. Il occupait un poste de conducteur de camion
de ramassage des ordures ménagères et transportait deux équipiers ripeurs. Il a
reçu le 18 novembre 2010 une lettre de licenciement comportant les motifs
suivants : « Nous avons constaté que vous utilisiez le téléphone fourni par la
société afin d’envoyer un nombre important de SMS. De plus lors de votre
entretien, vous avez reconnu qu’il vous arrivait d’écrire certains de ces
messages (20 % selon vos dires) alors que vous étiez en train de conduire. Ce
comportement est en totale contradiction avec les règles élémentaires de
sécurité que vous devez respecter en votre qualité de chauffeur. Vous faites
courir des risques aux autres usagers de la voie publique ainsi qu’aux ripeurs
et à vous-même. Nous considérons que ces faits constituent une faute grave rendant impossible
votre maintien même temporaire dans l’entreprise. »
Monsieur X. a contesté l’existence d’une faute grave et a
soutenu que son licenciement, qui n’avait pas été précédé d’un avertissement,
était sans cause réelle et sérieuse. Il a admis l’envoi de SMS pendant son
temps de travail au moyen du téléphone mis à disposition par l’employeur, mais il
a contesté en revanche avoir fait courir un quelconque danger à ses collègues
de travail et aux autres usagers de la route, d’autant que le camion qu’il
conduisait était équipé de nombreux systèmes de sécurité. De plus, il a affirmé
n’avoir jamais envoyé de SMS en conduisant mais seulement lorsque le camion
était à l’arrêt, pendant que ses deux collègues ripeurs procédaient au
chargement des déchets, et qu’il était capable de taper ses messages sans
regarder le clavier, de sorte qu’il ne quittait pas des yeux l’écran de
contrôle. Enfin, il a ajouté que contrairement à ce qui est précisé dans la
lettre de licenciement, il n’a pas reconnu lors de l’entretien préalable
l’envoi de SMS alors qu’il était en train de conduire et que l’analyse des
factures détaillées de l’opérateur SFR démontrait que les envois n’avaient lieu
que toutes les dix minutes environ, et non pas trois comme affirmé par
l’employeur.
Pour la Cour d’appel de Nancy, il résulte des factures
détaillées de l’opérateur SFR produites aux débats que Monsieur X. a fait un
usage particulièrement important du téléphone portable mis à sa disposition par
l’employeur en envoyant 10.769 messages sur la période allant de juillet à
novembre 2010, les envois étant parfois séparés de moins d’une minute et le
plus souvent de quelques minutes. De ce fait, Monsieur X. ne pouvait être
concentré sur son travail, d’autant que les messages reçus ont également
détourné son attention. Par ailleurs, le tribunal a estimé que la circonstance
selon laquelle le camion était équipé de dispositifs de sécurité n’était pas de
nature à écarter la faute du salarié dont la vigilance était nécessairement
amoindrie, compte tenu du nombre très important des messages envoyés et reçus.
En conséquence, il a affirmé que le comportement de Monsieur X., qui n’avait
rien d’isolé mais était au contraire devenu général et systématique,
constituait un manquement caractérisé aux règles élémentaires de sécurité et
était de nature à créer un danger pour les autres usagers de la route ainsi que
pour ses collègues de travail. La Cour d’appel de Nancy a donc donné raison à
la société Y… en confirmant qu’elle était fondée à prononcer le licenciement de
Monsieur X. pour faute grave (Cour d’appel de Nancy, 14 novembre 2012
n°12/00388).
Eric Rocheblave, avocat en droit du travail et de la sécurité sociale
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