Une salariée a pris acte de la rupture de son contrat de
travail au motif qu’elle ne voulait plus subir de tabagisme passif dans
l’entreprise. Elle a souligné que sa prise d’acte de la rupture avait été motivée
par la violation par l’employeur du décret du 15 novembre 2006 fixant
l’interdiction de fumer dans les lieux à usage collectif et indiqué avoir été
exposée à la fumée de cigarette durant son activité professionnelle, en raison
de la liberté laissée à certains salariés de fumer dans l’entreprise. Il est de
principe, lorsqu’un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail
en raison de faits qu’il reproche à son employeur, que cette rupture produise
soit les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsque
les faits invoqués le justifient, soit, dans le cas contraire, les effets d’une
démission. Il convient en conséquence de rechercher en premier lieu si les
faits invoqués par la salariée sont démontrés et en second lieu s’ils
justifient une prise d’acte de la rupture aux torts de l’employeur.
Au soutien de ses affirmations, la demanderesse a versé aux
débats de nombreuses attestations de salariés ayant quitté l’entreprise faisant
état de la tolérance de l’employeur à l’égard des salariés qui fument dans les
locaux de la société. Ainsi, Madame C. indique : « jusqu’à mon départ de la
société, j’ai constaté à plusieurs reprises pendant les heures de travail que
plusieurs salariés dont Mme V., M. Patrice B. fumaient dans les bureaux de
l’entreprise. J’ai subi pendant toute ma grossesse le tabagisme passif ». De
même, Madame E. écrit que : « j’ai pu constater que Mme V. fumait dans son
bureau situé au 1er étage ». Selon Madame A., « j’ai pu constater à plusieurs
reprises car je me rendais régulièrement dans les bureaux du 1er étage que Mme
V. fumait dans son bureau et ce malgré l’interdiction (…) ». Ce témoin joint à
son attestation des photos d’une bouteille d’eau remplie de mégots se trouvant
dans le bureau de madame V.
Pour contester le grief, l’entreprise
a produit aux débats plusieurs attestations de salariés dont le contenu était
sans rapport avec le problème de tabac dénoncé. Il convient aussi de relever
qu’aucun de ces témoins ne conteste les affirmations de la demanderesse quant à
l’usage de fumer dans l’entreprise. Enfin, s’il est exact que l’Inspection du
travail n’a pas relevé d’infraction à la loi antitabac lors d’une visite
effectuée le 6 avril 2012, cela ne démontre pas que la loi était respectée de
façon constante. Aussi, au vu de l’ensemble de ces éléments ainsi que des
débats, il a été établi que l’entreprise ne faisait pas respecter les
dispositions impératives de la loi anti tabac. En conséquence, comme il est de
principe que le non-respect par l’employeur de l’interdiction de fumer dans les
lieux publics constitue une faute justifiant la rupture du travail à ses torts,
le Conseil de Prud’hommes de Paris a convenu de dire que la rupture du contrat
de travail produira les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et
sérieuse (Cons. prud’h. Paris, 6 févr. 2014, n° 12/01583).
Eric Rocheblave, avocat en droit du travail et de la sécurité sociale
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