Le gouvernement a-t-il tort d’intervenir au
Centrafrique ? Non. A la différence de précédentes opérations
militaires dans lesquelles la France a été hélas engagée, celle-ci s’inscrit
pleinement dans le cadre du droit international puisque le conseil de sécurité
de l’ONU a donné unanimement le mandat à notre pays d’appuyer la force
africaine de la Misca chargée de protéger les civils et
« stabiliser » le pays. La situation humanitaire désastreuse en
Centrafrique plaide également pour une intervention. Pour autant, n’oublions
pas que la politique étrangère est de la politique concentrée. Dès lors qu’un
ou plusieurs Etats interviennent au-delà de leurs frontières, fut-ce au nom du
droit international ou de l’urgence humanitaire, c’est toujours de politique
qu’il s’agit. Et même de politique intérieure. La France n’y fait pas
exception. L’actualité a télescopé l’intervention en Centrafrique avec le
« pacte d’avenir » pour la Bretagne. Bingo ! Ce que fait
Hollande à Bangui n’est pas indépendant de ce qu’il fait à Brest. Je mélange
tout ? On va voir que non.
L’Etat centrafricain s’est effondré. On ne peut pas dire
qu’il était bien solide. Les régimes qui s’y sont succédé ont tous vécu à
l’abri de la puissance française, qui a légitimé ou empêché divers coups d’état
pour garder le contrôle du gouvernement. Mais tout ceci ne fonctionne plus pour
la raison que la France contrôle des gouvernements… qui ne contrôlent plus
rien. L’idée que l’on pourrait se contenter d’un petit tour conclu par
l’installation de personnages plus performants que ceux en place est donc une
vue de l’esprit. Il faut reconstruire un Etat ce qui ne se fera pas en quelques
mois. Ceci ne se fera pas surtout sans affronter les causes de sa
destruction : les politiques néolibérales et leur terrible cocktail de
privatisations et libre-échange. Bref le drame centrafricain n’est pas une
fatalité locale mais le résultat d’une logique globale, qui affleure plus vite
et violemment aux endroits les plus fragiles. Mandela que tous célèbrent
désormais avait dénoncé les ravages du libre-échange sur l’Afrique. Dès lors
que les barrières douanières ont été abattues, les paysans locaux ont été
ruinés par les exportations de l’agro-business. L’industrie est trop fragile
pour prendre le relais. Alors toute la société se défait. La Centrafrique est
donc malade du modèle agricole qui vacille aujourd’hui en Bretagne. Et on ne
peut aider l’Afrique tout en continuant à défendre les aides à l’exportation
pour les poulets bretons comme le fait le pacte présenté par Ayrault.
C’est légitime, le gouvernement n’interviendrait pas si nos
intérêts nationaux n’étaient pas en jeu. En l’espèce, il s’agit notamment
de l’uranium. L’alimentation énergétique de notre pays dépend de cette
ressource que notre sous-sol ne produit guère. La Centrafrique dispose du
gisement de Bakuma et de frontières stratégiques avec des voisins dotés du
précieux minerai. Tant que le nucléaire restera la première source de
production d’électricité dans notre pays, la France devra contrôler des
gouvernements qui détiennent la clé des mines africaines. Bien sûr nous
pourrions faire autrement : organiser la transition énergétique pour nous
passer d’uranium. Il faudrait pour cela développer les énergies renouvelables
et notamment celles tirées de la mer. Cela ouvrirait pour le coup un vrai
avenir à la Bretagne, région qui compte un tiers des côtes françaises.
Relocalisation de l’économie et planification écologique, deux ruptures qui
permettraient une autre politique en Afrique… et en Armorique.
François Delapierre, Secrétaire national du Parti de
Gauche
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