Europe Ecologie-Les Verts, a perdu mercredi une de ses
figures, Noël Mamère, le jour où son numéro un Pascal Durand officialisait son
retrait, deux événements qui illustrent les affres d'un parti en crise. Après
des semaines d'éloignement progressif de la formation écologiste dont il
dénonçait sans relâche des renoncements, le député-maire de Bègles, 65 ans, a
franchi le pas. "J'ai décidé de quitter EELV parce que je ne reconnais pas
le parti que j'ai représenté à la présidentielle de 2002", a déclaré
l'ancien journaliste au Monde. "Notre parti ne produit plus rien: il est prisonnier
de ses calculs et de ses clans. Nous sommes devenus un syndicat d'élus". "J'ai
l'impression d'un sur-place qui nuit au rôle que nous pouvons jouer dans la
société", ajoute-t-il.
Ce moustachu aux yeux clairs, devenu avocat, est une des
figures les plus fameuses de l'écologie politique : parce qu'il a réalisé le
plus gros score jamais obtenu par un Vert dans la course présidentielle (5,25%
en 2002). Parce qu'il avait célébré, deux ans plus tard dans sa mairie
girondine, le premier "mariage" homosexuel, illégal et cassé
ultérieurement. Le geste fut jugé par les partisans de la réforme comme une
avancée audacieuse et prophétique. Le député a des mots durs contre la direction du parti qu'il
quitte et notamment le traitement subi par le secrétaire national :
"humiliant", juge-t-il à propos de celui qui, selon des écologistes,
à été contraint de jeter l'éponge pour avoir lancé un ultimatum au gouvernement
sur la transition écologiste. "Je n'aime pas ces méthodes", dit M.
Mamère. "Les vrais patrons sont ceux qu'on appelle « la firme »
: Cécile Duflot et ses amis".
Les critiques de M. Mamère ont trouvé écho chez une autre
"star" partie d'EELV, l'eurodéputé Daniel Cohn-Bendit, qui a dit
mercredi partager "le ras le bol sur le fonctionnement, le clanisme, les
couples terrifiants qui règnent sur EELV". "Cuisine interne"
dont se dit victime Pascal Durand, qui a officialisé dans une interview au
Nouvelobs.com le fait qu'il ne briguerait pas un deuxième mandat à l'occasion
du congrès d'EELV, en novembre à Caen. "Si j'avais trahi ou commis une faute, j'aurais pu
comprendre la violence des critiques. Mais là j'ai porté la ligne du mouvement,
je ne suis pas parti dans une dérive personnelle", estime-t-il. Pour le chef de file des écologistes, son ultimatum au
président de la République
était un "prétexte" pour l'évincer et "l'illustration d'une
certaine préférence pour le nombrilisme et la cuisine interne, les batailles de
congrès et les enjeux de pouvoir, plutôt que pour le dialogue avec la
société".
"Puisque je ne peux plus être le rassembleur que je
souhaitais être et que je ne veux surtout pas être un diviseur de l'écologie,
j'en tire les conséquences: je ne serai pas candidat au secrétariat
national", annonce celui qui pourrait être tête de liste en Ile-de-France
lors des prochaines élections européennes. Le nom d'Emmanuelle Cosse, une
proche de la ministre du Logement, est avancé pour succéder à M. Durand au
secrétariat national d'EELV. La formation avait été créée en 2010, succédant
aux Verts. Pour la première fois, un parti écologiste a trois groupes
parlementaires - Palais Bourbon avec 18 élus, Sénat sous la houlette de
Jean-Vincent Placé, parlement de Strasbourg - et deux ministres au
gouvernement, Cécile Duflot et Pascal Canfin. Ce qui fait dire à Denis Baupin,
député de Paris, vice-président de l'Assemblée - et compagnon de Mme Cosse:
"Cela a forcément une conséquence sur le parti", "certains ne se
retrouvent pas dans cette mutation".
La balance entre posture protestataire et "mains dans
le cambouis" a toujours agité et divisé les partis écologistes successifs.
Les voix très critiques contre la participation EELV au gouvernement n'ont
cessé de se faire entendre depuis des mois. Autre vedette écologiste, Nicolas
Hulot a engagé mercredi le parti à se "demander pourquoi il n'a pas réussi
à rencontrer la société". "Après la prise de distance d’Eva Joly, l’éviction
de Delphine Batho et le congédiement de Pascal Durand pour lèse-majesté, la
liste des victimes du règne de la muselière s’allonge", a ironisé Jean-Luc
Mélenchon, coprésident du Parti de gauche qui souhaite "la bienvenue au
club des sans muselière" à Noël Mamère.
(dépêche AFP, 25 septembre 2013)
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