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"Le courage, c'est d'aller à l'idéal et de comprendre le réel" (Jean Jaures/discours à la jeunesse)

"Le courage, c'est d'aller à l'idéal et de comprendre le réel" (Jean Jaures/discours à la jeunesse)

vendredi 26 octobre 2012

Givet : va-t-on enfin en finir avec la rue Thiers ?


Comme chacun sait, Givet fait partie des nombreuses communes françaises à compter une rue Thiers. Quelques municipalités, comme Calais et Nantes, ont eu le courage de les débaptiser dans les années 1970, mais cela reste rare. A Niort, la section du PCF l’a fait symboliquement à l’occasion du 140ème anniversaire de la Commune, et lui a donné le nom d’une de ses héroïnes, Elisabeth Dmitrieff. Si ces initiatives sont encore ponctuelles, c’est que les modérés de tout poil sont reconnaissants à Adolphe Thiers d’avoir réunifié le territoire et fondé la IIIème République. A ma connaissance, cet opportuniste, qui a accepté deux Présidences du Conseil du roi Louis-Philippe, avant de s’opposer rageusement en 1850 au vote de la "vile multitude" puis de composer avec le Second Empire, n’a jamais été un véritable républicain, juste un libéral étroit. Il a par ailleurs accepté sans état d’âme le traité de Francfort et la cession de l’Alsace-Lorraine à l’Allemagne, ce qui lui a permis d’obtenir de Bismarck la libération de soldats bien utiles pour mater les fédérés patriotes. Non, ce dont les conservateurs lui savent encore gré aujourd’hui, c’est surtout d’avoir anéanti une Révolution.

S’agissant de la Semaine Sanglante de mai 1871, Thiers en fut en effet le principal responsable comme chef du pouvoir exécutif, même s’il a eu l’hypocrisie de se cacher derrière ses généraux trop énergiques puis sa féroce Commission des Grâces. N’avait-il pas conseillé au roi des Français la même stratégie dès 1848, fuir devant la révolte pour mieux l’exterminer ensuite ? Exilé à Versailles par l’insurrection du 18 mars, refusant les nombreuses possibilités de compromis, il garantissait ainsi aux bourgeois, qui vomissaient les généreuses réformes de la Commune, la paix sociale pour vingt ans. Ce fut la paix des charniers. Il est souvent difficile de compter précisément les victimes de la répression d’Etat : ici, les estimations varient entre 10.000 et 30.000. Mais les historiens ont de plus à plus tendance à augmenter la part des exécutions sommaires commises de sang froid après les combats de rue. Parmi les victimes, les ouvriers et leur avant-garde, mais aussi des vieillards comme Delescluze, de nombreuses femmes, de nombreux enfants, choisis au hasard ou dépistés par les mouchards sur les pentes de Belleville et de Ménilmontant, et parfois lynchés avant d’être fusillés, comme Eugène Varlin. La férocité inouïe de la répression est déjà parfaitement décrite par Lissagaray, qui en fut le témoin.

Je m’en tiendrai donc à l’analyse de Karl Marx dans la Guerre Civile en France, qui dit l’essentiel sur le mielleux Foutriquet : "Passé maître dans la petite fripouillerie politique, virtuose du parjure et de la trahison, rompu à tous les bas stratagèmes, aux expédients sournois et aux viles perfidies de la lutte des partis au parlement, toujours prêt, une fois chassé du ministère, à allumer une révolution, pour l’étouffer dans le sang une fois qu’il y est revenu, avec des préjugés de classe en guise d’idées, de la vanité en guise de coeur, menant une vie privée aussi abjecte que sa vie publique est méprisable, il ne peut s’empêcher de rehausser l’abomination de ses actes par le ridicule de ses fanfaronnades". Ce portrait a l’avantage de pouvoir s’appliquer à d’autres hommes politiques plus contemporain ! En ces temps où une véritable politique de gauche, sans compromis historiques, est chaque jour plus nécessaire, le PG/La Pointe espère vivement que la nouvelle municipalité qui sera élue à Givet en 2014 supprimera le nom de cet assassin de masse des plans de la ville, pour donner à sa rue le nom d’un véritable homme de gauche – qu’il s’agisse d’Adolphe Balle, le poète prolétarien qui diffusa le Père Peinard sur la Pointe en 1892, de l’instituteur communiste Marcel Lallemand, ou pourquoi pas du communard Georges Cavalier, qui, dans son exil de Bruxelles, avait emmené son fils, plus tard maire de Givet. Comme chacun sait, dans nos Ardennes, on a l’embarras du choix !

Boris Spirta.

1 commentaire:

laurent a dit…

Mouais, cette focalisation sur une personne n'est pas dans la plus pure orthodoxie du matérialisme historique si cher à Marx et à ses disciples ! Mais enfin, étant donné le caractère tout à fait détestable du personnage incriminé, cela révèle tout de même un fond que l'on peut qualifier de gauche de la part de son auteur à la plume par ailleurs brillante...