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"Le courage, c'est d'aller à l'idéal et de comprendre le réel" (Jean Jaures/discours à la jeunesse)

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samedi 19 octobre 2013

Droit du travail (6) : pipes ou sucettes peuvent avoir de lourdes conséquences

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis. L’employeur supporte la charge de la preuve de la faute grave et son imputation certaine au salarié, et la lettre de licenciement fixe les limites du litige. En l’espèce, Madame X… a été licenciée pour faute grave dans les termes suivants : « à plusieurs reprises vous avez dit en présence de témoins, je cite : « ici à [nom de l’entreprise], on peut faire des pipes». Vous avez également fait des propositions d’actes sexuels à des personnels de [nom de l’entreprise]. De plus, les propos tenus envers votre hiérarchie, comme quoi il suffisait de faire, je cite « une sucette ou une pipe dans le bureau du directeur et les choses s’arrangent », sont inacceptables de la part d’un personnel travaillant au sein d’une institution à caractère social, où les personnels se doivent d’adopter des attitudes et des comportements irréprochables envers les autres personnels, les usagers et les résidents. »

Monsieur A…, responsable qualité, va dans un courrier de « signalement de propos grossiers » adressé à sa hiérarchie expliquer qu’il a personnellement entendu Madame X… tenir les propos suivants : « ici à [nom de l’entreprise] on peut faire des pipes ». Monsieur A… précise que ces propos son choquants, et qu’il effectue ce signalement dans le seul but de protéger le personnel contre tout éventuel risque de mise en accusation d’attouchement ou de harcèlement de la part de Madame X… Monsieur A… réitère ses propos dans une attestation de témoin conforme aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile. Monsieur B, employé d’accueil et veilleur a adressé au directeur un courrier dans lequel il informe avoir déposé, à l’encontre de Madame X…, une main courante au commissariat : « Suite à des propos diffamatoires, des accusations purement imaginaires et mensongères faites contre ma personne par Madame X… concernant des attouchements sexuels. Je vous confirme Monsieur que ces propos sont totalement mensongers et sans fondement, qui m’ont affectés profondément ».

Monsieur B… a complété son courrier par une attestation de témoin dans laquelle il ajoute que lors de son travail à l’accueil, Madame X… n’a cessé de lui faire « des propositions à caractère sexuel et de parler du sexe dans les détails matin comme soir » et que ces propositions lui sont devenues insupportables. Madame C… a également écrit à sa hiérarchie afin de confirmer « les paroles vulgaires de Madame X… » à l’encontre de Monsieur D… , directeur adjoint, et de Monsieur E…, directeur à savoir : « Si je suis convoquée je leur fait une sucette ou une pipe et cela ira bien ». Madame C… ajoute que malgré son intervention elle a le jour même dit au réceptionniste Monsieur F… « Viens je te fais une sucette ».

La Cour d’appel de Metz a considéré que :
  - le grief n’est pas fondé sur des dénonciations anonymes mais sur des plaintes adressées à la direction par des salariés qui s’identifient clairement 
  - contrairement aux affirmations de Madame X… les courriers des trois salariés sont clairs et circonstanciés   - les témoignages directs de ces trois salariés qui occupent des fonctions très différentes, et dont l’un est une femme, sont concordants 
  - l’employeur, débiteur d’une obligation de sécurité envers les salariés, se devait d’agir rapidement suite aux trois plaintes réceptionnées qui témoignent d’un certain désarroi, et d’un mal être au sein du personnel 
  - l’employeur établit la matérialité du grief résultant de propositions par Madame X… d’actes sexuels à des salariés de l’entreprise ou encore de propos déplacés à l’égard de membres de la direction en soutenant que moyennant des faveurs sexuelles elle échapperait à d’éventuels reproches ou sanctions.
En conséquence, elle reconnait que le licenciement pour faute grave reprochée à Madame X...est justifié.
(Cour d’appel de Metz, 26 juin 2012 n° 12/00420, 10/02344)

Eric Rocheblave, avocat spécialisé en droit du travail et de la Sécurité Sociale

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