Il était une fois les Trente glorieuses où tout était plus
simple. Deux camps et quelques dissidences ici et là. Aujourd’hui, tout devient
possible. Le meilleur comme le pire. L’inouï comme l’abject. Il y aurait de
quoi remplir un livre. Et ces exemples sont pleins d’enseignements pour qui est
en mesure de les décrypter. Voilà des sujets de réunions publiques qui
rendraient plus sexy les initiatives d’éducation populaire ! Avis aux
amateurs ! Je prendrai deux éclairages parmi des milliers.
14 novembre 2012. Les manifestations anti-austérité se
déclinent dans toute l’Europe à l’appel de la Confédération
européenne des syndicats. Une première fort réussie. Plusieurs centaines de
milliers de manifestants rien qu’en Espagne, 4ème pays de la zone euro.
Des grèves générales massives au Portugal et en Espagne. Fortes manifestations
en Grèce. Le PIB a chuté de plus de 20 % depuis le début 2010 et le
troisième trimestre 2012 a
vu une chute de 7,2 % sur un an ! Et c’est au même moment à Athènes, devant un parterre de banquiers
grecs, que Charles Dallara, directeur de l’Institut de la finance
internationale (IIF), groupement d’intérêt des grandes banques de la planète,
basé à Washington, s’époumone contre l’austérité. Il déclare qu’il est
« temps de reconnaître que l’austérité seule condamne non seulement la Grèce , mais l’intégralité de
l’Europe à la probabilité d’une ère douloureuse ». Il appelle la zone euro
et le FMI à rechercher des solutions « créatives » et « non
conformistes ».
Bien évidemment, l’honorable Charles Dallara ne fait là
qu’être le porte-parole d’une partie des banques, qui s’inquiètent des
perspectives de remboursement de leurs créances en raison de l’application des
dogmes de l’ordolibéralisme (variante ultra du néolibéralisme européen). Il
ajoute : « Sans une stabilisation de l’économie et une reprise de la
croissance, la viabilité de la dette ne sera jamais atteinte. » Ou encore
« Le FMI a un programme permettant à certains pays d’avoir accès à des
prêts à taux zéro. Il est limité actuellement aux pays à bas revenus. Mais,
veut-on vraiment attendre que la
Grèce tombe dans cette catégorie pour reconnaître que les
circonstances exceptionnelles entourant le cas grec aujourd’hui justifient
quelques idées non conformistes en matière de politique de prêt au FMI ? ».
Il fait même appel à la Banque
européenne d’investissement (BEI). L’estocade avant de conclure « Nous
sommes tous Grecs… Les problèmes de la
Grèce ne pourront pas être résolus sans des changements
structurels dans le fonctionnement de la zone euro ». Comment lire ce
discours ? Dallara craint tout simplement que le défaut de paiement de la Grèce puisse provoquer
l’écroulement du château de cartes de l’ensemble de la zone euro.
Eh bien disons-le tout net : les duettistes Merkel et Hollande en restent
à la potion de l’austérité sans fin. Après la potion de l’austérité en France
sur le budget 2013, puis les 20 milliards d’euros de l’impropre « choc de
compétitivité », le plan de François Hollande prévoit plus de 60 milliards
d’euros sur le quinquennat. Sans compter les « vertiges »
supplémentaires possibles. Nous voyons donc une contradiction poindre au sein
de la finance internationale. Et si le mouvement social et populaire en
profitait ?
Revenons en France. Après le scandaleux accord de
légalisation des dépassements d’honoraires prônant la possibilité de facturer
des honoraires multipliés par 2,5 mais aussi de faire payer les cotisations
sociales des médecins du secteur 2 par la Sécurité sociale, voilà que les
fermeture de « blocs opératoires » entraînent un mouvement
ultra-libéral (« le Bloc », les « médecins pigeons »
soutenus par la Fédération
de l’hospitalisation privée) dépassant les syndicats néolibéraux traditionnels
(CSMF et SML) avec la revendication d’une liberté totale des médecins. Comme si
certains enseignants demandaient d’être affectés dans l’école de leur choix à
des salaires décidés par eux-mêmes. Et la ministre d’ouvrir la discussion. On
croît rêver ! Et que dire de ces internes qui ont mêlé leur mobilisation à
celles des ultras de la chirurgie et de l’obstétrique !
Quels enseignements ? La méthode UMP-PS de négociation
avec la CSMF et
le SML n’apporte même pas la paix chez les médecins néolibéraux. Négocier avec
les néolibéraux soi-disant « modérés » contre les ultra-libéraux
n’est pas plus efficace que négocier, dans un autre domaine, avec des
intégristes dits « modérés » contre les ultra-intégristes. En fait,
il faut changer de paradigme et prendre une voie alternative. Oui, il faut
affronter l’ensemble du dispositif ordolibéral en matière de santé/protection
sociale (et donc pas seulement les médecins néolibéraux) en prenant position
« contre les prédateurs de la santé » incluant
d’abord les firmes multinationales de la pharmacie et des assurances, le privé
lucratif en matière de santé et de protection sociale. Oui, il faut promouvoir
une protection sociale solidaire de type nouveau.
Hasta la victoria siempre !
(Chronique d'Evariste, ReSPUBLICA n°699, 18 novembre 2012)
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