Sujet difficile à aborder, puisqu’il relève de l’intime, la
prostitution est pourtant bien une problématique impossible à écarter du débat
public. Pour le Parti de Gauche qui souhaite "une société où chacun
puisse vivre librement dans des conditions permettant son émancipation",
la prostitution est incompatible avec un tel objectif. Il s’est donc prononcé
dans son programme pour son abolition et a proposé plusieurs mesures pour
éradiquer ce phénomène, parmi lesquelles la lutte contre la précarisation des femmes
sur le marché du travail, la revalorisation des métiers féminisés, la traque
des proxénètes et pourquoi pas la pénalisation des clients. Une position
progressiste qui ne stigmatise pas les prostitué(e)s mais qui vise à garantir
la dignité de la personne humaine et à en finir avec la marchandisation des
corps qui, comme les biens culturels, ne sont pas de simples objets ! C’est
pourquoi lorsque le PG/La
Pointe a été contacté, comme bien d’autres organisations, par
le Collectif National pour les Droits des Femmes afin de signer un texte
appelant à une manifestation le 25 novembre 2012 contre les violences faites
aux femmes, dont la prostitution, nous l’avons fait sans hésiter. Cela nous a
valu de recevoir quelques jours après un long mail (en bon français, il
faudrait dire un courriel) de la part du STRASS, le syndicat des travailleurs
du sexe, que vous trouverez en intégralité ci-dessous. Il y expose les
arguments habituels en faveur de la prostitution et se termine par une question
précise dont la réponse se trouve dans le programme du Parti de Gauche. Il
n’apporte donc rien de nouveau, mais il a le mérite d’exister et d’ouvrir le
débat (et non pas les ébats) pour ceux qui sont intéressés par le sujet...
"Vous avez signé l'appel du Collectif national pour les droits des femmes
pour la manifestation du 25 novembre 2012 contre les violences faites aux
femmes. Parmi les revendications de cet appel figure la revendication suivante : « pour
la mise en oeuvre d'une véritable politique abolitionniste, reconnaissant donc
la prostitution comme une violence, incluant une vraie réinsertion des
personnes prostituées, l'abolition du délit de racolage, et une politique de
responsabilisation, pénalisation du client. ». En tant que syndicat de travailleurSEs du sexe, nous ne pouvons qu'être en
accord avec la revendication de l'abrogation du délit de racolage public,
puisque nous nous battons depuis l'origine contre cette infraction. Nous nous opposons en revanche fermement à la volonté de pénaliser les clients
des travailleurSEs du sexe, et ce à deux titres.
Nous estimons, en premier lieu, que la pénalisation des clients des
travailleurSEs du sexe serait une violence faite aux travailleuses du sexe, et
donc une violence faite aux femmes. Forts de l'expérience rapportée par nos collègues suédoises, nous savons que la
pénalisation des clients des travailleurSEs du sexe serait une catastrophe pour
les travailleuses du sexe, tant du point de vue de leur santé que de celui de
leur sécurité. En ce qui concerne la santé des travailleurSEs du sexe, pénaliser leurs clients
les éloignerait des structures de prévention, de soins et de dépistage. Cela
rendrait également plus difficile pour elles d'imposer le port du préservatif. En ce qui concerne la sécurité des travailleurSEs du sexe, la pénalisation des
clients donnerait aux forces de police le pouvoir de les contrôler davantage.
Cela favoriserait l'exploitation des travailleurSEs du sexe, celles-ci ayant
plus de difficultés à exercer leur activité et à défendre leurs droits. Il apparaît clairement que la pénalisation des clients des travailleurSEs du
sexe aurait des conséquences catastrophiques et bien réelles pour elles. Le travail sexuel n'est pas en tant que tel une violence faite aux femmes : ce
sont les conditions d'exercice de cette activité qui le sont. La pénalisation
des clients des travailleurSEs du sexe ne ferait qu'empirer les conditions
d'exercice du travail sexuel, et favoriserait donc la violence faite aux femmes
que sont les travailleuses du sexe.
Nous estimons, en second lieu, que la lutte contre les travailleuses du sexe ne
va pas dans le sens d'une lutte pour les droits de toutes les femmes. La pénalisation des clients reviendrait purement et simplement à interdire tout
travail sexuel. Il convient ici de rappeler que la prohibition du travail
sexuel serait dangereuse pour les libertés individuelles de tous, et plus
particulièrement des femmes. La volonté de pénalisation des clients est le fruit d'une idéologie qui nie la
parole des premières concernées : les travailleurSEs du sexe. Se fondant sur
des arguments erronés, elle considère que le travail du sexe serait la vente de
son corps, que cela serait contraire en soi à la dignité de la personne humaine
et qu'il serait impossible de consentir à l'exercice du travail sexuel.Nous dénonçons cette approche qui s'inscrit dans une démarche paternaliste,
quand bien même elle est portée par des femmes. La lutte pour les droits des femmes s'inscrit dans la volonté de reconnaître
l'autonomie et la liberté des femmes. De nombreuses revendications de cet appel
vont d'ailleurs dans ce sens. Ainsi, le fait que les femmes doivent pouvoir
s'habiller comme elles le souhaitent sans craindre des agressions sexuelles, le
fait que les femmes disposent de leur corps et ne doivent par conséquent pas
subir des attouchements forcés, le fait qu'une femme doive pouvoir choisir son
conjoint. Lutter pour les droits des femmes, c'est lutter pour que les femmes soient
respectées et entendues. Pourtant, la volonté de pénaliser les clients ne va pas dans ce sens puisqu'elle
nie la parole des travailleurSEs du sexe, qui se mobilisent depuis des mois
contre. Elle nie aux femmes la possibilité de choisir leur activité. La liberté, l'autonomie, les droits des femmes ne seront pas atteints en
excluant certaines catégories de personnes de la catégorie plus générale des
femmes.
Le fait que vous ayez signé cet appel sans émettre de réserve nous conduit à
vous poser la question suivante : votre organisation soutient-elle la
pénalisation des clients des travailleurSEs du sexe ? Si tel n'est pas le cas, notamment au regard de ce que nous venons de vous
exposer, il nous paraît important que vous le fassiez savoir au CNDF, par le
biais d'une lettre ouverte par exemple, afin que celui-ci ne puisse pas se
prévaloir de votre signature sur ce point.
En vous remerciant de l'attention portée à ce courrier et dans l'attente d'un
retour de votre part afin de connaître votre position, nous prions d'agréer,
Madame, Monsieur, nos sincères salutations".
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