L’appareil de production :
A l’exception notable de la fonderie P.S.A., les industries traditionnelles des métaux souffrent de vétusté synonyme de mauvaises conditions de travail. La Fonte Ardennaise ou même le "fleuron" local Invicta, unité de Vivier au Court, en sont de "bons" exemples. Les salaires, sauf exceptions rares, sont peu attractifs. Métiers pénibles et mal rémunérés, l’industrie des métaux n’attire plus les jeunes vers les "boutiques". Les difficultés à trouver la main d’oeuvre sur place est un frein au développement et à la pérennité des entreprises.
Solutions : C.H.S.C.T. et comités d’entreprises dotés de véritables pouvoirs. Négociations salariales de branche. Application stricte des réglementations du code du travail.

tg.jpg Le patronat et ses "spécificités locales" :
*Les « patrons voyous » :
Thomé-Génot, Ardennes Forges, Lenoir et Mernier, Oxame, autant d’exemples d’entreprises victimes de repreneurs sans scrupules attirés par des conditions très favorables (subventions, exonérations) accordés par des pouvoirs publics pas très regardants et une main d’oeuvre bon marché et peu exigeante. La région est très touchée par la crise industrielle et ne jouit pas d’une bonne image de marque : elle a tout ce qu’il faut pour attirer les "charognards". Lire à ce sujet l’interview que j'ai accordée à L’ Humanité du 19 avril dernier, page trois.
* Des patrons pas toujours à la hauteur :
Les fautes de gestion apparaissent comme une des principales causes de fermetures d’entreprises. Le manque de vision à long terme associé à un certain conservatisme qui se traduisent par le manque d’investissements sont constatés à maintes reprises lors des faillites. Un manque d’investissements qui a par ailleurs des répercussions sur l’état de l’entreprise. Un exemple : les repreneurs américains de Thomé-Génot ont racheté "la plus sale" non sans avoir visité des entreprises dans les pays émergents ! Cette saleté étant pour eux le gage d’une main d’oeuvre prête à accepter les conditions les plus dures.

La main d’oeuvre et ses "spécificités locales" :
Elle a la réputation justifiée d’être dure à la tâche, elle supporte et pallie d’une certaine manière le manque d’investissements … jusqu’à ce que cela ne suffise plus pour assurer la compétitivité de l’entreprise. Mais elle est peu polyvalente et demeure le plus souvent spécialisée dans une seule tâche qu’elle exécute d’ailleurs fort bien d’où le mythe du « savoir faire ardennais ». Elle apparaît résignée et peu revendicative, 30 ans de crise ont durablement façonné les mentalités : "on a un boulot, c’est déjà pas si mal" ! On ne réagit que lorsque la fermeture est devenue inéluctable, lorsqu’il est déjà trop tard. Les conflits emblématiques, car très durs, chez CELLATEX et Thomé-Génot étaient motivés par le désespoir d’avoir perdu son emploi non par l’espoir de le sauvegarder.
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Solutions : renforcement du rôle des comités d’entreprise et syndicats qui doivent avoir le pouvoir de mettre en place des expertises capables de jauger la santé réelle de l’entreprise dès les premières difficultés. Mise en place d’une politique de formation professionnelle avec un « guichet unique » capable de mettre rapidement en adéquation les besoins des entreprises avec l’Education Nationale et les organismes de formation professionnels du Ministère du Travail. La coopération réussie du Lycée Armand Malaise avec Hermès à Bogny sur Meuse a valeur d’exemple.


Une aide publique distribuée trop généreusement ?
L’argent public accordé sous forme de subventions à la reprise d'entreprises en faillite ou d’exonération de charges (les fameuses zones franches) est localement abondant. En témoignent aussi les C.T.P. qui doivent aider à la réinsertion professionnelle des licenciés mai qui sont coûteux et d’une efficacité douteuse. La bonne volonté est là, certes. Mais elle est loin d’être toujours utilisée à bon escient. On a vu ainsi des prêts aux entreprises à taux zéro, des locaux rachetés par le Conseil Général et reloués ensuite au repreneur, des subventions qui ont servi à indemniser des licenciés. Le choix du repreneur, restreint il est vrai par le peu de candidatures, s’avère parfois catastrophique (cf. ci-dessus « les patrons voyous »).
Solutions :
les élus doivent pouvoir bénéficier de conseils de véritables experts indépendants capables d’évaluer la fiabilité d’un projet de reprise. L’argent public ne serait-il pas mieux dépensé en subventionnant la création de SCOP par les anciens salariés ?

Bilan :
Les difficultés que rencontre de longue date l’industrie locale donnent l’impression qu’un "processus morbide" est engagé, un processus qui se reproduit avec toujours les mêmes causes, toujours les mêmes effets. Les difficultés de l’industrie ardennaise, que l’on se gardera de sous-estimer, ont engendré dans les esprits un climat de pessimisme, une peur de l’avenir et une nostalgie du passé glorieux.
Les conséquences :
Chantage patronal à l’emploi aidant ( "Si vous m’embêtez je délocalise en Roumanie, si tu n’est pas heureux il y en a dix qui attendent dehors"), les ouvriers et partenaires sociaux acceptent à peu près tout et n’importe quoi (ce n’est pas un grief mais un constat) et les pouvoirs publics, eux, ne se montrent pas très regardant sur les conditions de travail ni l’utilisation des subventions. Cette attitude, compréhensible, loin de rendre service à l’entreprise, la dessert en réalité. Il n’y a plus dès lors aucun contre-pouvoir à celui du patron. Dans cette situation, si l’entreprise est bien gérée, tant mieux, il existe toujours des entreprises ardennaises correctement dirigées, Dieu merci, mais dans le cas contraire, c’est la catastrophe assurée. Si on peut difficilement agir sur le moral des gens, peut-on retrouver un certain courage politique à ne pas laisser faire tout et n’importe quoi ?

(interview réalisée il y a quelques mois par notre camarade Didier Fuselier sur un thème au coeur de nos préoccupations)