"Le Parti de gauche (PG) prend acte de la décision du
Président de la République
d’engager militairement des troupes françaises au Mali. Il rend hommage au
lieutenant Damien Boiteux. L’argument utilisé par François Hollande pour justifier une
telle intervention est la décision des groupes djihadistes de se mettre en
mouvement vers le sud, en direction de la ville de Mopti créant ainsi une
situation menaçante. Dès lors, il affirme avoir répondu à la demande d’aide du
Président du Mali, ainsi qu’à l’inquiétude légitime des maliens face à la
cruauté de ces groupes.
Le PG n’en juge pas moins inacceptable que la décision de
faire la guerre soit prise en dépit des règles établies par la résolution 2085
des Nations unies, qui requière expressément que le Conseil de sécurité
approuve par avance toute intervention militaire par une force panafricaine, et
à fortiori par une force française. En outre, le PG déplore que cette décision ait été prise en
dehors de toute consultation de la représentation nationale. Il n’accepte pas la décision du gouvernement consistant à ce
que le débat prévu au parlement mercredi 16 janvier ne soit pas suivi d’un
vote. Le PG exprime sa solidarité avec le groupe des élus du Front de gauche
qui a demandé ce vote, refusé par Jean-Marc Ayrault.
Le Parti de gauche déclare, puisque les opérations sont
engagées, qu’elles doivent avoir pour objectif strict d’empêcher la descente
vers Bamako. En aucun cas, elles ne doivent servir de prétexte pour que la France n’entreprenne la
reconquête du nord du Mali. Un tel choix comporterait de grands risques
d’enlisement dans une guerre de type néocoloniale. Les expressions utilisées
comme "guerre contre le terrorisme" (Laurent Fabius) ou "le
temps qu’il faudra" pour qualifier la durée probable de l’intervention
(Jean-Yves Le Drian) rappellent la guerre en Irak et en Afghanistan : des
années de guerres coûteuses en hommes et en moyens financiers avec au final la
démonstration de l’inefficacité flagrante de ce type d’intervention militaire
contre un terrorisme qu’il ne contribue qu’à renforcer. La mise en avant du
caractère islamiste de ce terrorisme remet au goût du jour la théorie du choc
des civilisations utilisée par les Etats-Unis pour justifier ces guerres sans
issue.
La reconquête de la souveraineté territoriale du pays doit
aller de pair avec la reconquête par le peuple malien de sa souveraineté dans
le cadre d’un processus national constituant. Le Parti de gauche dénonce à l’avance toute tentative de la France de vouloir régler
seule la situation par une guerre néocoloniale aux confins d’une région riche
en pétrole, en uranium et en autres minerais stratégiques, et au risque de nous
aliéner les populations locales. La
France doit respecter la souveraineté des pays du Sahel sur
leurs ressources naturelles. Il ne doit pas y avoir d’illusion : une telle guerre
serait sans fin. Le danger n’implique pas seulement les militaires français
confrontés à un ennemi déterminé et bien armé du fait des conséquences de la
désastreuse intervention en Lybie. Il implique aussi les otages aux mains des
groupes islamistes, notamment AQMI, et enfin la population française dans son
ensemble en Afrique et en Europe.
Le Parti de gauche met en garde contre la tentation d’appel
à l’OTAN. L’Alliance atlantique est le bras armé des intérêts états-uniens et
de leurs supplétifs. Elle n’a rien à faire, de près ou de loin, au Mali.
Conformément à la résolution de l’ONU du 20 décembre 2012, la libération du
nord du Mali doit rester de la responsabilité d’une armée malienne
reconstituée. Il est vain de croire que cela est possible sans un retour
immédiat aux normes démocratiques dans ce pays. Le Parti de Gauche rappelle la grave responsabilité que porte
le président Sarkozy et les partis qui l’ont soutenu alors dans une des causes
principales des évènements actuels au Mali, à savoir la dispersion de stocks
d’armes considérables suite à l’intervention française en Libye qui a fait d’un
Sahel en proie à tous les trafics, une véritable poudrière.
Le Parti de gauche dénonce l’hypocrisie de nos alliances et
de nos choix géostratégiques. Nous pensons en particulier à celle concernant le
Qatar dont on sait qu’il contribue à armer et former certains mouvements
djihadistes comme le Mujao ou Ançar Dine et dont on connaît la présence à Gao à
travers le Croissant rouge qatari. Le Parti de gauche exige une clarification par le
gouvernement français des objectifs géostratégiques à l’œuvre derrière cette
intervention et l’arrêt de l’intervention militaire française de reconquête du
nord du Mali une fois la ligne verte stabilisée.
Il rappelle que malgré les déclarations des autorités
françaises, il est faux de dire que la Résolution 2085 est respectée à cet instant. Au
contraire, il s’agit bien d’une opération strictement française. Le PG rappelle
que la France
doit faire respecter l’ONU et non lui tordre le bras. La France doit se borner à
aider à la mise en œuvre de la
MISMA (Mission sous autorité africaine) tel que le lui a
rappelé le Conseil de Sécurité le 14 janvier 2013 qui n’a pas changé le contour
de la Mission. Le Parti de Gauche rappelle également que la résolution 2085
de l’ONU privilégie à juste titre le processus politique pour rétablir l’ordre
constitutionnel au Mali, c’est-à-dire le remplacement démocratique des
autorités issues du putsch du 22 mars 2012 et la négociation avec les touaregs."
(position adoptée par le Parti de Gauche, 15 janvier 2013)
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