"Une campagne sournoise se fait jour qui consiste à
diaboliser Jean-Luc Mélenchon et à l’assimiler en permanence à Marine Le Pen,
au nom de la dénonciation des « populismes » (sic). Mais en quoi le
FDG est-il comparable au FN ? Que cherchent ceux qui blanchissent ainsi la
dirigeante de l’extrême droite ? Maintenant, on ne dénonce plus l’extrême
droite, ou rarement, mais « les extrêmes » .C’est
pratique, « les extrêmes ». On peut y mettre tout et n’importe
quoi. On peut notamment y mélanger le FDG et le FN, Jean-Luc Mélenchon et
Marine Le Pen. En vertu de quoi on en conclut soit que les deux
mouvements susdits sont également dangereux pour la démocratie, soit qu’ils
sont tous les deux critiquables mais respectables. C’est injurieux pour l’un,
inespéré pour l’autre, et dangereux pour tous.
L’affaire a commencé par le recours massif au
mot « populisme », l’une des plus belles arnaques de la vie
intellectuelle, le mot fourre tout utilisé par l’élite quand elle ne sait plus
comment expliquer la sécession des peuples. En 2005, la victoire du Non au
référendum sur le Traité Constitutionnel Européen (TCE) avait été le point
d’orgue de cette campagne. A l’époque, quiconque ne succombait pas au charme
inhérent à l’Europe des marchés était immédiatement traîné devant la haute cour
de justice intellectuelle pour « populisme ». Accessoirement, il
était accusé de souverainisme, d’archaïsme, de nationalisme, et de fascisme
latent au choix. Depuis, la crise aidant, l’adjectif diabolisant est mis à
toutes les sauces. Le Chavisme ? Populisme. Le laminage
de « l’expert » Mario Monti en Italie ?
Populisme. Le rejet de la
Troïka qui fait passer les pays d’Europe sous la toise de
l’austérité ? Populisme. Les protestations des Chypriotes face au
régime qu’on leur applique ? Populisme. La contestation de la potion néolibérale appliquée un peu partout, soit à la
hache (comme en Grèce) soit par asphyxie progressive (comme en France) ?
Populisme.
Et voilà comment on en arrive à mettre dans le même sac le FDG et le FN,
autrement dit ceux qui critiquent des choix qu’ils jugent intrinsèquement
mauvais, et ceux qui entendent surfer sur la vague du mécontentement pour faire
grossir leur pelote de haine. C’est un moyen très efficace de refaire une
virginité politique (et morale) à Marine Le Pen, qui ne s’attendait sans doute
pas à un tel traitement de faveur. Quoi qu’on pense de Jean-Luc Mélenchon,
il est reconnu comme un homme de gauche respectueux des valeurs républicaines.
On peut ne pas être d’accord avec tout ou partie de son message. On peut
trouver qu’il savonne parfois la planche où il est installé avec des formules à
l’emporte pièce. Mais rien ne permet de lui faire un procès ad hominem et de
mettre en cause son attachement aux droits de l’homme.
Mélenchon n’a jamais utilisé le « tous pourris » dont d’autres se complaisent. Son appel à une VIème République rejoint ceux déjà exprimés par Arnaud Montebourg ou Eva Joly, voire d’une autre manière par François Bayrou. On ne sache pas qu’il y ait quelque crime à vouloir rénover des institutions qui sont à la moralisation de la vie publique ce que Jérôme Cahuzac est à la lutte contre la fraude fiscale. En tout cas, rien de ce que dit le FDG ne peut être comparé à la démagogie d’un Front National qui détourne la colère populaire vers le rejet de l’autre, alimentant le réflexe xénophobe, le repli identitaire, voire le racisme larvé qui demeurent dans l’ADN de l’extrême droite.
Mélenchon n’a jamais utilisé le « tous pourris » dont d’autres se complaisent. Son appel à une VIème République rejoint ceux déjà exprimés par Arnaud Montebourg ou Eva Joly, voire d’une autre manière par François Bayrou. On ne sache pas qu’il y ait quelque crime à vouloir rénover des institutions qui sont à la moralisation de la vie publique ce que Jérôme Cahuzac est à la lutte contre la fraude fiscale. En tout cas, rien de ce que dit le FDG ne peut être comparé à la démagogie d’un Front National qui détourne la colère populaire vers le rejet de l’autre, alimentant le réflexe xénophobe, le repli identitaire, voire le racisme larvé qui demeurent dans l’ADN de l’extrême droite.
Nonobstant ces différences qui devraient interdire toute
forme d’assimilation, les médias, les commentateurs, les dirigeants politiques,
les « experts » renvoient systématiquement dos à dos le FDG
et le FN, quand ils ne les associent pas dans le même opprobre. Ainsi, Le
Monde multiplie les allusions aux « populismes
concurrents ». L’historien Pierre Birnbaum y explique que
le « populisme » de Mélenchon, s’il ne relève pas de
l’antisémitisme stricto sensu, le nourrit indirectement. Dans un récent
éditorial, Le Monde va même jusqu’à écrire : « La
crise, autant que le scandale Cahuzac, donne prétexte à tous les procureurs à
la petite semaine, comme à tous les partisans, à l’extrême gauche comme à
l’extrême droite, d’un grand coup de balai ». Vous avez besoin d’un
dessin ?
Serait-ce trop demander que de plaider pour un retour à un minimum de sérénité
afin de ne pas mélanger les choux et les carottes, les révoltés et les
apprentis sorciers, les indignés et les bornés, les militants de la gauche
radicale et les affidés de l’extrême droite pure et dure ? Tout le monde
y gagnera, à gauche comme dans la droite républicaine. La seule qui pourrait y
perdre est Marine Le Pen. Mais qui s’en plaindra?"
(Jacques Dion, directeur adjoint de la rédaction de
Marianne, 17 avril 2013)
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