Cet accord n’est pas légitime. Il n’est signé que par une minorité de syndicats représentant une minorité de salarié-e-s.
Certes l’accord est techniquement majoritaire suivant la législation en vigueur dans la mesure où il est signé par au moins trois des cinq organisations représentatives à ce jour. Et le président de la République a de ce point de vue bien fait de presser les négociateurs à conclure, car ni la représentativité des syndicats signataires, ni leur capacité à former une majorité n’était garantie au-delà du mois d’août 2013, date à laquelle l’ensemble des résultats des élections professionnelles organisées dans les entreprises depuis 2008 seront additionnés en vue de déterminer la représent ativivé nationale et interprofessionnelle des syndicats (fixée à 8 % des voix) comme, par suite, leur capacité à représenter une majorité au sens légal (fixée à 30 % des voix).34La majorité juridique actuellement détenue par les syndicats signataires de l’accord cache, en tout état de cause, une minorité réelle qui ne saurait être transformée en majorité politique lors d’une transposition au Parlement que par un coup de force démocratique tournant le dos aux millions de salarié - e - s qui ont voté a u x présidentielles et aux législatives pour en finir avec la remise en cause du droit du travail. La majorité de gauche ne saurait, donc, prendre cet accord pour argent comptant comme l’a annoncé le Premier ministre. Ce serait mener une politique d’inspiration libérale dans la parfaite continuité du gouvernement précédent. La signature de l’accord et sa retranscription dans la loi représenteraient une régression de grande ampleur du droit du travail. Ses dispositions donnent de nouvelles marges de flexibilité aux employeurs, tout en augmentant la sécurité juridique de leurs actes. Il n’a rien d’un compromis où seraient pris en compte les intérêts des salarié-e-s. Aucune de ses dispositions ne va permettre de réduire le chômage ou la précarité. Au-delà, certains juristes émettent des doutes sur le caractère constitutionnel, légal ou conforme au droit international de certaines dispositions de l’accord. Ainsi, par exemple, de celle qui prévoit que la modification du contrat de travail réalisée dans le cadre d’un «accord de maintien dans l’emploi » s’impose au salarié et que son refus entraîne un licenciement pour motif économique, dont la cause est attestée par l’accord. Elle pourrait être jugée contraire au droit international. Nous verrons ce qu’il en sera des décisions prises par l’Organisation internationale du travail, ainsi que par les juridictions nationales ou européennes, qui ne devraient pas manquer d’être saisies. Cet accord social veut promouvoir « un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l’emploi et des parcours professionnels des salarié-e-s ». En fait de « nouveau modèle économique », le texte de l’accord ne fait qu’approfondir le modèle néolibéral fondé sur la précarisation des salarié-e-s. Quant à « la sécurisation de l’emploi et des parcours professionnels », on a vu ce qu’il en était réellement. Le sens de cet accord a été donné quelques jours après la conclusion des négociations avec l’annonce faite par Renault de 7 500 suppressions d’emplois et a menace de fermeture de sites si les salarié-e-s n’acceptaient pas les sacrifices demandés comme, par exemple, une augmentation du temps de travail sans hausse de salaire et une mobilité forcée.
Qu’Arnaud Montebourg, ait pu déclarer que:
<<Ces suppressions font partie du cadre normal dans lequel une entreprise peut écider de gérer par avance ses effectifs etson personnel>>
et qu’« Il n'y a pas pour nous un certain nombre de lignes rouges qui ont été franchies>> ,tandis que l’État et le premier actionnaire de Renault, montre que le gouvernement est prêt à en passer par toutes les volontés du patronat. Alors même que cet accord n’était pas encore transcrit dans la loi, le patron de Renault en faisait une lecture qui confirme, hélas, les pires craintes que l’on pouvait avoir à son sujet. Cet accord va servir de bélier pour, au nom de la compétitivité des entreprises, s’attaquer frontalement aux droits des salarié-e-s. Car comment mesure-t-on la compétitivité d’une entreprise ? L’accord indique qu’il s’agit de « donner aux entreprises les moyens de s’adapter aux problèmes conjoncturels et de préserver l’emploi ». Peut-on considérer que Renault, qui a fait 786 millions de profits au premier semestre 2012, connaît des « problèmes conjoncturels » ? On voit ce qu’il en est dans ce cas de la préservation de l’emploi. Gageons que « les problèmes conjoncturels » des entreprises vont se multiplier, ce d’autant plus que, par ailleurs, les politiques d’austérité menées par les gouvernements européens, y compris le gouvernement français, sont porteuses d’une logique récessive. Même l’Allemagne est maintenant touchée par la contraction économique 36. Le « modèle économique » actuel entraîne l’Europe dans une spirale mortifère. La baisse des dépenses publiques et celle du « coût » du travail réduisent la demande globale dans tous les payseuropéens. Alors que les clients des uns sont les fournisseurs des autres, cette baisse ne peut pas être compensée par un accroissement des exportations. La récession qui s’ensuit produit une baisse mécanique des recettes fiscales qui empêche de réduire les déficits publics, entraînant ainsi un nouveau tour de vis. Au lieu de prendre des mesures pour relancer l’activité économique en satisfaisant les besoins sociaux et en engageant la transition écologique, l’accord social qui vient d’être conclu s’inscrit pleinement dans cette logique récessive en facilitant les licenciements et en permettant des baisses de salaires. Politique économiquement absurde et socialement destructrice.
La Fondation Copernic appelle tous les acteurs du mouvement social et syndical et des partis de la gauche et de l'écologie politique à organiser la mobilisation nécessaire pour s'opposer à cet accord.
Elle est prête à participer aux initiatives qui seraient prises en ce sens.
34Elle est prête à participer aux initiatives qui seraient prises en ce sens.
(Au mois d’août 2013, en effet, les nouvelles règles de représentativité des organisations syndicales issues de la loi du 20 août 2008) entreront en vigueur. L’audience des syndicats sera alors mesurée en additionnant les résultats des élections professionnelles organisées dans les entreprises depuis 5 ans. Pour être représentatif au niveau national et interprofessionnel, un syndicat devra avoir réuni au moins 8 % des voix aux élections précitées et ce à la fois dans des branches de l'industrie, de la construction, du commerce et des services. La CFTC pourrait, en conséquence, ne plus être représentative. Pour être majoritaire, un accord devra être conclu par un ou plusieurs syndicats représentatifs, qui disposent (seul ou avoir d’autres) d’une audience d’au moins 30 % et ne pas faire l’objet de l’opposition des syndicats représentatifs, qui disposent d’une audience d’au moins 50 %. Dans ce nouveau cadre légal, l’accord du 11 janvier 2013 n’aurait très certainement pas pu être qualifié de majoritaire, ni entrer en vigueur ».)
36
le PIB de l’Allemagne a reculé de 0,5 % au dernier trimestre 2012.
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